Modélisation computationnelle de la collaboration et de la mentalisation pour les bots bienveillants
- Acronym : COMCOMBR
- Responsable : Jean-Claude DREHER
- Établissement coordinateur : Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Résumé : Nos interactions sociales sont aujourd’hui souvent réalisées en réseaux, avec des agents humains ou artificiels (i.e. bots). A l’intersection entre les projets ciblés 1, 2, 3 et 5, nous proposons des approches et méthodes différentes et complémentaires de celles déjà existantes dans le PEPR eNSEMBLE pour comprendre l’influence de bots ajoutés ou non à des réseaux sociaux artificiels contrôlés expérimentalement. La caractérisation des processus computationnels engagés dans nos décisions sociales en réseaux est nécessaire pour permettre la fluidité de nos interactions sociales dans le monde numérique, et pour identifier les facteurs qui favorisent la bascule vers un mode collaboratif. Nous considérons la collaboration comme une forme de coopération nécessitant une mentalisation des intentions des autres agents, de façon à aligner les intentions des agents vers un but commun.
Le WP1 développera des modèles computationnels de la prise de décision sociale avec d’autres agents (humains ou artificiels). Fondé sur une taxonomie des processus computationnels impliqués dans différents degrés de mentalisation, le WP1 permettra: (a) de déterminer, en fonction de chaque individu, quels sont les meilleurs algorithmes décrivant 3 types d’interactions sociales lors de tâches cognitives testant ces interactions sociales (profondeur limitée de mentalisation, mentalisation hiérarchique et mentalisation lors d’interactions en réseau) ; (b) d’analyser et de comparer les algorithmes computationnels rendant compte du comportement social observé. Les livrables seront une Application Web permettant de fournir des bilans/profils computationnels individuels de la façon dont chaque individu testé fonctionne lors d’interactions en réseaux.
Le WP2 utilisera une approche expérimentale et théorique pour comprendre l’influence de l’introduction de bots bienveillants qui promeuvent la collaboration dans des systèmes d’interactions en réseaux. Basée sur l’extension de notre plateforme en réseaux, nous réaliserons des expériences comportementales de prise de décision en ligne lorsque de nombreux participants sont connectés simultanément en réseaux. Un apport essentiel sera de tester non pas des bots ‘naïfs’ mais des bots sophistiqués munis d’algorithmes (identifiés en WP1) permettant la mentalisation des intentions collaboratives ou compétitives des autres. Notre plateforme d’interactions en réseaux permet : (a) l’étude causale de la dynamique des interactions et de la topologie des réseaux lorsque des humains et des bots échangent en réseaux et (b) la modélisation de la propagation d’informations et de la formation dynamique des réseaux.
Le WP3 testera la généralisabilité des modèles computationnels cognitifs du WP1 à des environnements hautement interactifs et dynamiques, au sens du domaine de l’Interface Homme Machine. Nous étudierons comment interagissent le niveau d’interactivité et la quantité /nature des agents (humains et bots) impliqués sur la mise en place et la stabilisation de la collaboration. De plus, nous étudierons les degrés de mentalisation requis pour des bots interagissant avec des humains dans ce cadre. Nous testerons la collaboration dans diverses situations technologiques (mur écran, PC, réalité virtuelle) et étudierons comment ces technologies modifient les types de mentalisation (profondeur limitée de mentalisation, mentalisation hiérarchique, mentalisation en réseau) sur des tâches interactives. Pour cela, notre approche consiste à combiner des modèles en IHM expliquant et prédisant le comportement d’un seul utilisateur avec les modèles de mentalisation conçus dans le WP1 pour améliorer la collaboration entre agents.
Pris dans son ensemble, ces expériences comportementales en réseaux et modèles computationnels de nos intentions permettront de comprendre l’émergence de l’intelligence collective et de la collaboration hybride Homme-Machine, i.e. basée sur les interactions entrehumains et bots.
Fouille des mécanismes de passage à l’échelle des collectifs en ligne
- Acronym : Data2Laws
- Responsable : Cécile BOTHOREL
- Établissement coordinateur : École Nationale Supérieure Mines-Télécom Bretagne Pays de la Loire
Wikipédia, qui fêtera son 25ieme anniversaire en 2026, a pu créer des encyclopédies dans plus de 50 langues. Les organisations de logiciels libres, qui ont commencé à défier l’industrie du logiciel dans les années 1990, sont aujourd’hui considérées comme un élément central de l’économie.
Le défi du projet DATA2LAWS est de proposer une théorie de la massification de grands collectifs en ligne comme ceux-ci. Nous chercherons les invariants, s’il y en a, dans la constitution et la consolidation de projets durables et massifs, et nous identifierons les conditions qui leur permettent de passer à l’échelle. Notre objectif n’est pas de simplifier à l’extrême les mécanismes sociologiques en jeu, mais plutôt de comprendre les mécanismes communs tout en mettant en évidence les différentes variantes.
En se concentrant sur la notion de propriétés et de mécanismes, ce projet vise à dépasser l’alternative problématique entre, d’une part, l’analyse détaillée d’un projet sans pouvoir en généraliser les résultats et, d’autre part, la production d’une analyse trop abstraite qui ne prend pas en compte les particularités de chaque situation. Nous utiliserons la formulation de Robert Merton de ce que l’on appelle aujourd’hui communément les « théories de moyenne portée ». Parce qu’elles sont parcimonieuses, ces théories sont transférables à d’autres contextes empiriques.
Nous décomposerons un processus, la massification des projets en ligne, en différentes propriétés et mécanismes. Nous travaillerons d’abord avec des projets wikipédiens et, par la suite, nous transférerons nos théories à d’autres collectifs, par exemple OW2, les projets Eclipse, Open Street Map France, Open Food Facts, Framasoft…
Les principaux défis scientifiques sont 1) de déterminer si tous ces grands collectifs suivent la même dynamique évolutive en 3 phases (croissance, percolation, croisière), 2) s’ils partagent des propriétés communes au niveau des contributeurs, dans leurs motivations et trajectoires à travers les phases, dans la manière dont ils forment des actions collectives et selon quelles organisations, 3) d’affiner la diversité des comportements et des dynamiques collectives, et 4) d’extraire des théories de passage à l’échelle de portée moyenne.
Pour ce faire, nous combinerons plusieurs disciplines complémentaires : la fouille de données, le traitement du signal, la physique statistique, la simulation sociale, la sociologie et la gestion, ce qui constitue un défi en soi. En adoptant une approche de réseau complexe qui nous rassemble, nous confronterons différents points de vue et méthodes pour saisir les multiples facettes du phénomène de changement d’échelle.
Notre projet améliorera la prise de décision pour la gestion de grands collectifs. Nos partenaires non financés (Wikimedia France, OW2, The Eclipse Foundation) sont intéressés par l’amélioration de leur « community building » et plus généralement de leur gouvernance. Nos résultats pourraient conduire à différents outils adaptés aux différentes phases, pour détecter par exemple quand un collectif ne remplit pas les conditions pour passer à l’échelle, ou prédire si le passage à l’échelle pourrait apparaître avec l’introduction de certaines règles organisationnelles.
DATA2LAWS apporte un nouveau défi scientifique ambitieux au PEPR eNSEMBLE, répondant à l’objectif du PC4 WP 4.2 de théoriser la collaboration communautaire en ligne, tout en introduisant deux nouveaux partenaires (l’Université Littoral Côte d’Opale et le Centre de Physique Théorique) et deux nouvelles disciplines (le traitement du signal et la physique statistique) au consortium.
DEformation physique et Collaboration
- Acronym : DECO
- Responsable : Céline COUTRIX
- Établissement coordinateur : Université Grenoble Alpes
DECO se concentre sur l’étude de la déformation dynamique des dispositifs pour la collaboration numérique, dans le but d’améliorer la collaboration entre les humains et le système ainsi que parmi les humains à travers le système. DECO explore la déformation physique de l’entrée ou de la sortie du système, en considérant les utilisateurs et le système comme des agents potentiels. Le contexte de l’aviation sert de champ d’étude principal, avec un accent particulier sur trois scénarios de collaboration : le pilotage partagé air/sol, la tour de contrôle à distance et la téléopération de drones. La déformation des dispositifs offre des opportunités d’adaptation aux capacités des utilisateurs, aux contextes de collaboration et aux tâches collaboratives. DECO examine comment la déformation des dispositifs peut améliorer la collaboration entre les opérateurs, la conscience de la situation et le contrôle partagé. Par exemple, les interfaces peuvent être physiquement déformées pour aider la perception d’informations critiques. Ces changements peuvent se produire en environnement co-localisé ou à distance, s’adaptant aux tâches en cours et soutenant le partage d’informations et la prise de décisions. DECO envisage les situations de collaboration synchrones et asynchrones.
De plus, DECO aborde la collaboration entre les humains et les systèmes intelligents, exploitant les changements physiques de forme pour fournir des retours visuels et haptiques combinés. Ces retours informent les utilisateurs sur les intentions de transformation du système intelligent, le degré d’automatisation engagé et les possibilités d’action ou de reprise de contrôle par l’utilisateur. L’objectif est de réduire les erreurs potentielles résultant d’une sur-confiance dans l’automatisation ou d’une sous-utilisation des systèmes intelligents.
Les axes de recherche de DECO s’étendent à la collaboration numérique à long terme et à grande échelle, utilisant les changements de forme physique pour un retour visuel-haptique afin d’améliorer la conscience de l’utilisateur du temps passé. Cette adaptabilité de forme peut aussi soutenir les activités collaboratives au sein de grandes communautés.
DECO implique une collaboration entre des chercheur·e·s, en Interaction Humain-Machine, Robotique, Mécatronique, Sciences Cognitives et Ergonomie, avec des professionnels de l’aviation pour élaborer des scénarios et évaluer les interactions proposées.
Le projet vise à produire des prototypes d’interfaces déformables pour la collaboration, à mener des études empiriques et à remettre en question les théories existantes sur la collaboration numérique et les interfaces reconfigurables.
Les résultats de DECO ont le potentiel de s’étendre au-delà de l’aviation, influençant des domaines critiques tels que l’automobile ou la médecine mais aussi des domaines moins critiques tels que l’informatique de bureau. L’approche globale de DECO aborde les défis scientifiques liés aux aspects dynamiques des changements de forme pour la collaboration numérique, contribuant à des avancées constructives dans le domaine. DECO est intrinsèquement pluridisciplinaire et impliquera de nouvelles communautés scientifiques non encore présentes dans eNSEMBLE, telles que la robotique.
Prédiction pour la COGnition partagée en collaboration avec des agents humains ou artificiels
- Acronyme : PRECOG
- Responsable : Ouriel GRINSZPAN
- Établissement coordinateur : Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Un faisceau de données comportementales et de neuroimagerie met en lumière des changements cognitifs lorsque nous fonctionnons à plusieurs plutôt que de manière individuelle. Cela soulève plusieurs questions : Que se passe-t-il lorsque les relations interindividuelles sont intégrées dans des espaces numériques, en colocalisé ou à distance ? Qui plus est, ce fonctionnement cognitif collectif peut-il être maintenu quand des argents artificiels sont inclus dans le groupe ? Pour réussir à fonctionner avec d’autres, les utilisateurs ne peuvent se contenter de se concentrer sur leurs propres objectifs et actions : Ils doivent également avoir une représentation des intentions des autres partenaires afin de prévoir leurs actions et de s’y adapter. Le présent projet vise à étudier comment optimiser les capacités des utilisateurs à anticiper le comportement des autres dans des espaces numériques hybrides. L’intelligibilité des systèmes (c’est-à-dire la production de comportements prévisibles et compréhensibles) est un défi majeur qui conduit au concept de modèles mentaux, c’est-à-dire les mécanismes par lesquels les êtres humains sont capables de produire des explications sur le fonctionnement des autres et des prédictions sur leurs états futurs. Dans ce projet, nous emploierons le cadre théorique de l’action conjointe pour mieux comprendre comment soutenir la construction du modèle mental de notre partenaire et améliorer sa prévisibilité. L’étude de l’action conjointe gagne du terrain dans le domaine des sciences cognitives, où des théories avancent l’idée d’un mode collectif de fonctionnement du cerveau lorsque des agents humains agissent ensemble. Notre projet vise à explorer comment soutenir la construction des modèles mentaux de l’utilisateur au cours de l’interaction humain-humain et de l’interaction humain- agent autonome. Le projet suit une approche interdisciplinaire où la théorie est alimentée par les recherches les plus avancées en sciences cognitives, et mise en correspondance avec l’état de l’art en matière d’environnements collaboratifs numériques. Le projet inclut trois partenaires (UGE, LISN, ONERA) dans le domaine de l’IHM avec une expertise reconnue en psychologie cognitive et un partenaire dans le domaine des sciences cognitives (ENS). Notre projet adopte la perspective du sens de l’agentivité, qui renvoie au sentiment d’être l’auteur de ses actions, et à l’expérience de contrôler les effets de ses actions sur le monde extérieur. Le sens d’agentivité résulte de la cohérence entre la prédiction et le résultat de l’action. Deux scénarios semblent possibles dans le cadre d’actions où plusieurs individus coopèrent. Le premier, que nous privilégions dans le présent projet, se traduit par une augmentation du sens d’agentivité où chaque partenaire développe un sens d’agentivité pour soi et autrui. Le second, que nous pensons devoir éviter, est l’effondrement du sens d’agentivité, associé au phénomène de diffusion de responsabilité au sein d’un groupe et attribué à la difficulté de saisir les intentions du partenaire. Le présent projet vise à identifier les facteurs qui favorisent le sens d’agentivité dans les situations de collaboration. Notre projet étudiera comment transmettre les intentions d’autrui dans différentes situations de collaboration, de la co- manipulation active d’objets à la simple cohabitation dans un environnement commun. Ce projet développera des solutions d’interopérabilité pour faciliter une collaboration transparente entre des plateformes de réalité étendue et de robotique. Il testera plusieurs cas d’utilisation tels que la cohabitation entre des humains et un essaim d’agents autonomes, la coopération avec des robots via un robot télécommandé, l’édition partagée en ligne de documents 2D, la co-manipulation d’objets 3D en réalité étendue.